Le
souffle capricieux déchire sans arrêt le voyage lointain des
dessins fébriles des nuages tourmentés par les gifles invisibles
d'Éole qui arrive de nulle part et espère s'éloigner vers,
n'importe où. Il lui prend le toupet, au hasard d'une rencontre, de
venir saluer l'envol d'une casquette d'un capitaine marin. Zéphyr,
tu viens de dénuder le crâne sans cheveu de ce vadrouilleur des
panoramas immenses chahutés par d'incessantes vagues. Pour te
laisser croire au pardon, tu lui chatouilles les profondes rides de
son visage buriné agrippé au tuyau de sa pipe qui résiste encore
sur ses lèvres muettes de colère. Sacrebleu ? Folle
brise, tu provoques les cendres rougeâtres du fourneau de sa
bouffarde , ainsi s'échappe un nuage de fumée , immédiatement
tourmenté par l'insolence têtue d'une bourrasque. Cette fragile
fumée voudrait s'élancer vers les hauteurs célestes de rêves
fabuleux, mais cette pauvre imagination gazeuse se dissipe dans la
transparence de l'air avant de découvrir la grandeur du monde et
retrouve dans un silence chargé d'illusion, la solitude d'une
éternité.
Cet
atypique matelot aurait-il dans sa besace, moissonnée, lors de ses
divagations sur la transparence des océans, des balivernes, des
sornettes, qu'une soi-disant légende métamorphoserait en conte à
dormir debout, ou histoire bien sage avant d'aller s'allonger dans
la douceur de draps blancs pour une nuit chevauchée de bizarreries
singulières.
Et,
vieux moussaillon plein de malices, n'essaies-tu pas de me leurrer
par les reflets du beau miroir bleu de tes folles navigations, par
toutes sortes d'incantations fallacieuses. Je ne contemple qu'une
incessante tempête de sommets, de monts, de vallonnements provoqués
par les sourires de mes montagnes dans le grandiose cercle de
l'horizon. Ce n'est pas un atlantique, ni un pacifique qui enchantent
le panorama. Simplement le charme de mes belles Cévennes qui se
jouent des vapeurs d'alcool que, bourlingueur des mers, tu honores
toujours avec délectation. Le vent des sommets grave dans le noyau
sec de ta cervelle, le vaporeux conflit des mirages d'un courant
d'air. Remets vite les pieds sur terre, car tu le vois bien, tu sais
si mal naviguer sur l'étendue liquide des mers de tous les
continents. Il t'arrive parfois, pris de frayeur, par une simple
flaque d'eau, d'entendre rabâché par écho dans la montagne, ton
appel au secours, te croyant déjà englouti dans les profondeurs
glaciales des abysses.
Notre
héroïque marin d'eau douce, pourra-t-il, avec la dévotion d'une
sagesse pudique, requise par les contes d'O. à faire rougir de
jeunes communiants, déclamer sans tergiverser, de lubriques
odyssées ? À moins qu'il arpente des sentiers vertigineux par
monts et par vaux, avec son âne têtu, comme nul autre, pour
grappiller,ici et n'importe où, des phrases sans queues ni têtes,
puis en bout de course déblatérer d'une voix solide un récit à
dormir debout à des badauds époustouflés comme des gobe-mouches
sur le chemin de la rivière, une canne à pêche fièrement juchée
sur l'épaule et une épuisette bien vide traînant derrière eux.